INFORMER…

Étape 71 / Lundi 6 juillet / Depuis León à Hospital de Órbigo / 32 km

 

Je me remets en route tôt le matin après un dimanche réparateur pendant lequel j’ai vu un lien entre information et acte créateur. J’ai hâte de sortir de la ville et de sa circulation bruyante pour retrouver le calme et la sérénité de la marche en plus calme campagne, et je presse le pas. J’irai aujourd’hui d’une seule traite jusqu’à Hospital de Órbigo, et je me dis qu’avec un nom pareil, j’y trouverai bien de quoi soigner mon corps qui risque de souffrir des 32 km que je vais parcourir encore par grande chaleur.

 

Je me concentre encore sur cet acte créateur formant de la matière à partir de rien, comme un souffle qui se levait sans être vu ou perçu jusque là et duquel émanait maintenant du visible à partir de l’invisible, de la lumière à partir du néant, noir et abyssal. C’est le cas de dire, avec un certain esprit, que la genèse avait permis une véritable entrée en matière ! J’aime d’ailleurs beaucoup l’expression « entête » choisie par l’érudit Chouraqui pour traduire le premier mot du premier chapitre de la Bible appelé la Genèse. En-tête ou entête : ce quasi néologisme a le mérite d’une part d’assurer la primauté de l’acte créateur comme l’en-tête de toute chose, le début de toute chose, le vrai commencement ; et d’autre part de lui donner la connotation d’une farouche volonté, d’un entêtement, de la part de la divinité mystérieuse et plurielle qui sait engendrer les choses à partir de son souffle se promenant sur le vide.

 

On sait aujourd’hui la vertigineuse immensité du vide intersidéral : si toute la sphère de l’univers visible était ramenée à la taille de la Terre, la plus grosse des 60 étoiles les plus importantes y serait une balle de golf ! Et à l’autre bout de la lorgnette, le volume de l'atome, c’est 99,9999999999999% de vide. En supprimant le vide de l'atome, la Terre serait une sphère de 150 mètres de rayon au lieu de 6 000 km. Et pourtant c’est l’accumulation de ces atomes, essentiellement vides, qui permet aux étoiles, montagnes et humains d’être distingués les uns des autres. Mais quand je rencontre un pèlerin et le salue d’un « Holà hombre ! » [Bonjour monsieur], je peux affirmer que du quasi vide vient de saluer du quasi vide ! Et pourtant chacun des deux existe et est reconnaissable, ce n’est pas l’ombre de rien !

 

On sait que paradoxalement, les constituants de la matière sont ondes et particules à la fois. De la même manière que les cordes d'un violon donnent des sons différents selon la longueur de la corde qui vibre, la théorie des cordes expliquerait que ce sont des vibrations de telles cordes infinitésimales qui permettraient aux particules de matière d’exister, de s’accorder, et de rendre la matière perceptible !

 

Ainsi, l’information de nature vibratoire informerait à la fois en une commune entité la matière et l’esprit. La matière deviendrait perceptible par mes sens comme le son de la cloche du village atteint mes oreilles par sa vibration. Mon esprit, lui, serait alors subjectivement informé par ma petite cervelle. Une fois l’accord réalisé, la nature corpusculaire de la matière me deviendrait vraiment palpable non seulement en pensée, mais aussi en réalité ! C’est simple et complexe à la fois, mais la matière n’existe alors pour moi, comme pour tout autre être capable de perception, que par l’information qui fait vibrer les neurones au diapason d’une fréquence donnée : vibration (ou son de cloche) A, bonjour monsieur ; vibration B, bonjour madame ; vibration C, bonjour lézard ; vibration D, bonjour platane !

 

Mais comment expliquer la complexité croissante de l’univers ? Comment l’information qu’on en a peut-elle s’enrichir d’information nouvelle à son propos ? Comment ma petite cervelle peut-elle gagner de la perception à propos de ce qui la constitue elle-même ? Et comment concevoir que l’univers se donne à lui-même de nouvelles étoiles, de la nouvelle matière ? L’entropie est un mot qui qualifie la capacité de l’énergie à produire quelque chose. Y a-t-il une entropie décroissante de l’information qui puise dans le désordre pour l’enrichir d’ordre ? Si oui, l’information serait capable de renseigner sur la matière jusqu’à un seuil élémentaire capable d’activer l’esprit. Et l’esprit aiderait alors à structurer la matière, à lui donner forme. Il y aurait là une synergie qui tendrait vers un niveau toujours plus élevé de conscience.

 

Cela me rappelle le parcours entre l’Alpha et l’Oméga, avec des niveaux de plus en plus complexes à partir de l’apparition de l’unité de vie (cf. étape 53). Et j’aime aussi cette dualité entre matière et esprit, comme le pile et le face d’une médaille dont les gravures seraient plus ou moins fines, précises et complexes, sous l’impulsion originelle de l’information, et après un temps plus ou moins long à tourner comme une toupie ! Ce qui pourrait expliquer des découvertes simultanées à certaines périodes par des auteurs indépendants et très éloignés. Cela permettrait aussi d’appréhender le fait que l’univers ne soit que partiellement intelligible. Je perçois que l’univers visible et le cerveau ont en commun la même source d’information depuis l’origine primordiale. Et la médaille qui tourne sur elle même pourrait virevolter encore beaucoup plus longtemps avant de révéler de plus en plus de finesse dans ses faces, l’une à propos de l’esprit, l’autre à propos de la matière …

 

Cette bivalence matérielle et spirituelle permet deux niveaux complémentaires concernant le monde matériel. Celle que j’aperçois par mes sens, et qui n’est en fait que l’Envers des choses ! Et celle plus mystérieuse d’un Endroit plus profond, mais reflétant une réalité sans cesse créatrice de nouvelle information ! Au commencement était le Verbe, et le Verbe continue à donner forme, Il continue à informer ! À l’Envers, puis-je peut-être associer l’indisputable gravité universelle, et à l’Endroit puis-je oser faire une comparaison avec de l’amour universel ?

 

 


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