…LA MATIÈRE…

Étape 72 / Mardi 7 juillet / Depuis Hospital de Órbigo à Murias de Rechivaldo / 21 km

 

Arrivant hier au bout d’une longue étape, j’étais aux anges ! Car le vieux pont romain restauré au 13e siècle au dessus du rio Órbigo et qui vous permet d’entrer dans la ville est vraiment l’un des plus pittoresques que j’ai vus jusqu’ici. Il possède 19 arches, et avec 204 m de longueur c’est le plus long pont du camino. Quelle belle utilisation de la matière ! J’avais grand’ faim, et avec un compagnon de route, je me suis régalé d’une spécialité locale, une soupe à base de tomate et des morceaux de pain et … une truite sur le dessus : l’idéal pour refaire le plein de calories perdues en route.

 

Nous avons ensuite découvert un gîte retiré à l’écart du village, au milieu d’une peupleraie. La soirée fut rythmée par le sifflement puissant et mélodieux de loriots qui nichaient dans les peupliers des alentours. À croire que vibraient des flûtes tout autour du gîte, et les sons gracieux qu’échangeaient entre eux les beaux volatiles jaunes d’or élevaient mon esprit ! J’ai été réveillé encore ce matin par ces vibrants appels. Aussi me suis-je mis en route en songeant encore à la rencontre vibratoire entre la matière et l’esprit, rencontre mystérieuse que je vais tenter d’approfondir encore à l’échelle subatomique.

 

La sagesse antique voyait en matière et esprit une seule et même source. Voici maintenant que la science s’approche de confirmer cela. Matière et énergie se confondent lorsqu’on parle à la fois de vibration et de rayonnement corpusculaire. La matière s’observe lorsqu’un champ d’énergie, non localisable et momentanément figé dans l’espace devient temporairement excité. Ce champ semble rempli de « briques » élémentaires de matière qu’un « ciment » d’interactions élémentaires rend structurellement solidaire. À ce niveau, comme je le disais hier, on ne parle plus d’ondes et de corpuscules, on parle de cordes vibrantes déterminant l’état du champ, excité ou non !

 

Parmi ces briques élémentaires, on connaît de mieux en mieux celles qu’on appelle électrons : ils ont des propriétés pratiques intéressantes. Ils peuvent en quelque sorte voyager facilement à la surface de certains atomes (en particulier ceux qu’on appelle métaux), puis se mettre en place à l’aide du ciment d’interaction comme s’ils étaient de l’épiderme moléculaire. Ce sont par des électrons que s’échangent donc les informations qui structurent la matière, formant ce qu’on appelle des molécules aux propriétés bien distinctes les unes des autres. Très stables, presqu’indestructibles, et insécables, les électrons défient le bon sens, car si on projette un seul électron à travers deux orifices bien distincts, il donne l’impression qu’il peut les traverser tous deux simultanément !

 

Les électrons agissent comme des nuages qui enveloppent le noyau d’un atome. Ils occupent des zones orbitales successives, ou niveaux d'énergie. Si on s’imaginait un atome comme une sphère nuageuse de 100 m de diamètre, le noyau serait de la taille d’un petit pois. À l’intérieur du nuage, l’électron agit de manière aléatoire, on ne sait exactement où le trouver. Invisible, insaisissable, il semble tournoyer. Il semble changer de zone de trajectoire sous l’effet d’une excitation, et chaque saut requiert un quantum d’énergie. Mais en revenant à sa zone orbitale d’origine, il restitue cette énergie en émettant un grain de lumière, un photon !

 

L’électron est à la fois onde ou paquet d’ondes, et il est aussi un champ qui peut se manifester même si la particule n’est pas matérialisée. C’est une sorte de chose qui imprègne le milieu où il semble exister. Surtout, il lui donne une propriété intrinsèque globale : chaque atome de matière distincte a un numéro dit atomique qui représente le nombre d’électrons qui se manifestent dans des zones orbitales avoisinantes. L’hydrogène en a 1 seul, l’hélium en a 2, le lithium 3, le béryllium 4, le bore 5, le carbone 6, etc. Voici la classification croissante des éléments vue à l’étape 36 (classification de Mendeleïev) !

 

Les électrons sont donc les supports possibles d’information conservée définitivement en mémoire. Et comme un loriot, je me met à siffloter en cadence : « Un, deux, trois, nous irons aux bois, hydrogène, hélium, lithium ! Quatre, cinq, six, cueillir des cerises, béryllium, bore et puis carbone ! » Mes braves électrons contribuent à structurer matière et esprit. L’information qu’ils font passer devient de plus en plus élaborée, jusqu’à devenir un niveau de conscience élémentaire, capable d’accélérer le processus de sa propre structuration. Y a-t-il un combustible originel au moteur d’une telle structuration ?

 

Car j’ai négligé de parler de la vitesse apparente de rotation des électrons autour de l’atome, et qui dépend de son degré d’excitation. Pour l’atome d’hydrogène dans on état fondamental, la vitesse semble assez pépère : un peu plus de 2 000 kilomètres par seconde. Mais pour de plus gros atomes, la vitesse augmente rapidement pour les électrons des couches orbitales les plus rapprochées du noyau. Typiquement, elle peut être alors de l’ordre de 30 000 km/s.

 

Mais le photon libéré lors d’un changement de zone orbitale va bien, lui, à la vitesse de la lumière, soit 300 000 km/s. Est-ce donc la lumière qui serait ultimement porteuse d’information ? Serait-elle la cause dynamique de l’information supérieure ? Si oui, alors : « Fiat lux ! » Que la lumière soit !

 

 La pensée chinoise antique ne s’embarrassait pas d’autant de science pour affirmer, dans son approche du Yin Yang, que l’esprit est matière, et que la matière est esprit. Or la science permet de découvrir que l’électron est à la fois support d’information (nombre atomique) et support d’électricité (le courant électrique est généralement dû au déplacement d’électrons au sein d’un matériau conducteur). Ainsi, information et déplacement électrique sont à la base du fonctionnement du cerveau : matière et esprit se tiennent là aussi dans un format qui s’apparente à celui du symbole Yin Yang ! Étonnante prémonition des Anciens !

  

 

 

 


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