…CAUSE D'…

Étape 62 / Samedi 27 juin / De Hontanas à Itero del Castillo / 22 km


La sarabande entre l’espace et le temps, leurs contractions et dilatations, le manque de positionnement objectif de la particule lorsqu’on la recherche, tout cela fait encore une sarabande effrénée dans ma tête au moment où je quitte Hontanas. Ce duo espace-temps me hante et me chahute, et me met dans l’indécision sur le principe de causalité qui lui est fortement lié : le lien qui lie la cause à l’effet.

 

Voici un exemple de liens de cause à effet : ce vent qui se lève, qui balaye mon visage, sur lequel se trouve de la sueur qui s’évapore plus rapidement parce que ce vent est sec. Ce phénomène (un changement de l’état liquide à l’état gazeux) absorbe de l’énergie, et donc enlève de la chaleur, d’où un abaissement de la température de la surface à partir de laquelle ma sueur s’évapore. Mon visage en profite ! L’évaporation retire des calories de mon visage et abaisse la température cutanée ! Par contre, il ne me faut pas négliger de boire de l’eau régulièrement pour remplacer les volumes perdus par sudation …

 

Toute cette logique empirique, vérifiée par l’expérience, me fait apprécier un coup de vent bien sec par grande chaleur. Or, voilà que je remets en doute le principe même de causalité, comme si dans certains cas elle devenait illusoire, quelle audace ! Pourtant c’est ce robuste principe qui me permet de préparer mon proche avenir par mon présent : j’ai chaud, j’ai soif, l’eau apaise la soif et je vais aller remplir ma gourde à la première fontaine rencontrée !

 

J’affirme à la fois que les mêmes causes produisent les mêmes effets, mais que les circonstances ne se reproduisent jamais à l’identique : la chaleur du jour, le degré d’humidité du vent, la quantité d’eau absorbée, etc. Or, l’échelle d’observation rend des certitudes bien plus aléatoires : ce qui se passe à l’échelle subatomique est bien moins rigide que ce qui se passe à l’échelle humaine ou cosmique. Est-ce une question de vocabulaire, faut-il parler à l’échelle cosmique d’influence plutôt que de cause ? La causalité serait alors non plus un loi physique, ni une loi macroscopique, comme quand on est passé de la mécanique de Newton à la mécanique quantique …

 

Et toute cause première serait ainsi masquée quand on descend l’échelle du plus grand au plus petit. Nos petits cerveaux, si bien capables de saisir l’enchaînement des causes, se troublent lorsqu’ils recherchent une cause initiale à la vie, une cause première à notre existence. Et donc de deux choses l’une : ou bien cette cause première est totalement absente, et il est vain de continuer à la chercher ; ou bien cette cause première existe bel et bien, mais n’est simplement pas accessible à la cervelle humaine !

 

Et au lieu, cartésien que je suis, de continuer à batailler sur le dilemme du « Pourquoi y a-t-il quelque chose plutôt que rien ? », ne devrais-je pas plutôt chercher le comment plutôt que le pourquoi ? C’est ce que semblent d’ailleurs faire les Asiatiques. Leur sérénité en semble moins affectée, ils sont bien plus facilement « zen ». Et cette approche ne leur interdit pas, semble-t-il de trouver leurs propres explications au « pourquoi ? » autant que leurs propres réponses au « comment » ! Et en ce qui concerne les moyens de se protéger du soleil, il y a toute une symbolique bouddhiste du parasol dont le dôme représente la sagesse, et le pourtour avec franges la compassion …

 

Si dans notre culture religieuse, on décide trop facilement de vouloir voir Dieu comme cause première et ultime de toutes choses, et si chez nos scientifiques, on n’arrête pas de se perdre en conjectures, dois-je pour le moment me contenter de me dire que cette cause ultime est purement indécidable ? J’arrive auprès du très simple et accueillant gîte San Nicolás juste après Itero del Castillo. C’est la fin de la semaine, et cause première ou cause ultime, arrêtons de causer, un bon repos demain me fera du bien !

 

 


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