…PIEUSEMENT…
Étape 55 / Samedi 20 juin / D’Azofra à Santo Domingo de la Calzada / 15 km
Dans beaucoup d’églises espagnoles, les représentations de la douleur du Christ ou de sa mère frappent par leur réalisme. En fait la magnification de la douleur, telle qu’elle est représentée vous donne presque un haut le cœur. Ainsi, au moyen-âge, on n’avait pas besoin d’aller voir un film d’épouvante pour se donner la chair de poule, on allait à l’église locale voir Jésus souffrant de sa couronne d’épines et des marques laissées sur son corps par les coups de fouets romains. Ou bien on regardait Marie sa mère transpercée des poignards de la douleur. Quelle piété morbide !
Cette magnification pieuse de la douleur, propre au caractère espagnol, en devenait presque banale dans ce pays où régna si fort l’inquisition ! Cette juridiction fut instituée à l’origine au concile de Vérone (1184) pour que les évêques dépendant de Rome maintiennent l’orthodoxie « catholique » dans les royaumes. Les rois et les reines « très catholiques » d’Espagne (c’était le qualificatif qu’ils voulaient qu’on utilise à leur égard) usèrent et abusèrent de façon progressive de cette juridiction pour traquer juifs, musulmans et tous ceux sur lesquels ils avaient raison de croire dangereux pour leur autorité.
Le dernier condamné pour hérésie fut un instituteur, accusé d’être déiste. Il fut pendu à Valence en 1826. Mon ancêtre Joseph de Maistre, dans ses Lettres à un gentilhomme russe sur l’inquisition espagnole (écrites en Russie en 1815) insistait sur le fait que les condamnations dépendaient plus d’hommes au service du pouvoir souverain que d’hommes au service du pape, mais il n’empêche que nul autre que des ecclésiastiques décidaient si oui ou non une personne était « hérétique ». Beaucoup d’innocents poussés à des aveux arrachés, qu’ils soient fondés ou non, par la torture qu’on leur infligeait, montaient au bûcher après le terrible supplice de la « question » … Et ceci, pas seulement en Espagne, d’ailleurs, souvenons nous des supplices infligés aux Vaudois (Valdesi), aux Cathares, aux Huguenots et bien d’autres encore en Europe !
Que d’excès commis au nom d’une certaine vision de Dieu et utilisée à des fins plus temporelles que spirituelles ! Que d’injustices commises par des réputés croyants chrétiens dans des buts matériels, par cupidité ou par peur de la concurrence d’autres systèmes de pensée ! Quelle déformation imposée à une croyance orientale initialement introvertie dans l’ascèse et se répandant par l’exemple du « Voyez comme ils s’aiment ! » (Tertullien, Apologeticum 39, 7) Voilà qu’en devenant occidentale, elle était devenue extravertie dans un effort de conquête et de pouvoir à tout prix … Même si le pape Jean-Paul II a enfin fait acte de repentance au nom de l’Église romaine en l’an 2000, on ne peut aisément effacer des siècles de dénaturation du message initial chrétien …
Et que dire d’influences d’autres religions sur certains textes bibliques ? La proportion de points communs entre les récits mésopotamiens concernant le déluge, et ceux de la Genèse est indéniable : annonce d’une catastrophe, construction d’un navire refuge, survie d’un homme et d’animaux après engloutissement de la terre, épisode d’oiseaux pour retrouver des indices de baisse des eaux …
Certains évènements bibliques trouvent des échos dans la documentation historique des temps pharaoniques et des mythes de certains de leurs dieux. Les Proverbes de la Bible présentent de nombreuses analogies avec les aphorismes de la sagesse égyptienne. On a cru voir des parallèles entre l’histoire de Caïn et Abel et les aventures d’Osiris et de Seth, et également entre Horus et Jésus … D’autres ont cru voir de l’influence de récits venus du côté de l’Indus. Mythes ou réalité ?
Quoiqu’il en soit, ces parallèles indiquent au moins des similarités dans la pensée religieuse au fil du temps. Certains points de cultures anciennes se sont vus réappropriés par de nouvelles hiérarchies ecclésiastiques promouvant de nouvelles orientations. On sent dans l’Ancien Testament le désir de justifier de plus en plus la validité du monothéisme. Et puis avec le Nouveau Testament, il ya complication progressive à partir des évangiles jusque dans les lettres de saint Paul et les Actes des Apôtres : la délicate transition vers l’exposition d’un Dieu unique et plus mystérieux maintenant manifesté à travers les trois personnes de la Trinité ! Irréalisme ou mystère ? On ne cesse d’en débattre depuis 2000 ans.
Allons pèlerin, ta pauvre petite cervelle saura-t-elle résoudre cela en chemin ?