…UN DIEU ESPRIT ?

Étape 42 / Dimanche 7 juin / Mauléon


Chic alors, un dimanche pour me reposer dans un village tranquille et faire un bilan de ce que j’ai accompli jusqu’ici depuis le départ de Morestel, il y a 6 semaines et 42 étapes de cela ! Je récapitule : je suis passé par les départements suivants : l’Isère, la Drôme, l’Ardèche, la Haute-Loire, la Lozère, l’Aveyron, le Lot, le Tarn-et-Garonne, le Gers, les Landes, les Pyrénées-Atlantiques, donc 11 départements au total. J’ai fait 159 km la semaine dernière, qui ajoutés aux 744 km précédents, me font un total de 903 km, soit environ la moitié de ce que je devrai parcourir pour arriver à Santiago.

 

La vie est belle et je relis mes notes de la semaine dernière :


« Un, participant, balbutiant, pense l’esprit, figurant un Dieu esprit ? »

 

Ainsi, j’ai entrevu un visage de Dieu « esprit », conséquence de pensées que j’estime provenir de l’extérieur de moi-même. S’y ajoute le fait que l’on m’a appris il y a longtemps au catéchisme que l’humain est censé être à l’image de Dieu, cela pourrait justifier qu’Il existe, et donc qu’il soit censé de Lui adresser des prières. À condition qu’Il soit une personne … or j’avais précédemment mis à mal ce concept d’un Dieu « personne », lors de ma cinquième semaine ? J’estimais que ce serait trop Le ramener au niveau humain et Lui dénier toute supériorité et transcendance. Quel visage peut-Il donc bien avoir, ce Dieu qui anime mon esprit ?

 

Je revois mes notes de la première semaine : j’y avais démoli à coups de burin le visage d’un Dieu « terrifiant », un Dieu juge qu’il faudrait craindre et qui ferait ramper, avec une image bien trop humaine justement, sa dernière créature. Au cours de la troisième semaine, j’avais exploré la possibilité d’un Dieu « révélé », décidant que cela servait trop une certaine hiérarchie religieuse en mal de pouvoir, même si une authentique influence spirituelle avait initié la légitimité de leur autorité. Je me suis alors tourné vers l’image d’un Dieu « bienveillant », or qui dit bienveillance, dit trop encore volonté anthropomorphique émanant d’une personne, et de toute façon mise en pièces par la contemplation de tant de misères dans notre monde.

 

Il me reste ce que j’avais exploré la deuxième semaine : l’image d’un Dieu « sauveguide ». Ce néologisme utile peut permettre de supprimer l’image humaine du berger, mais d’accepter l’idée plus subtile de l’ « esprit ». Cet esprit-sauveguide, par son souffle presqu’imperceptible, pousse gentiment mon fragile esquif à travers écueils et dangers et me fait découvrir de nouveaux horizons … Imperceptible ? Est-ce Lui qui a su faire pencher mon corps du bon côté lorsque mon bâton a cassé dans l’étape vers Rocamadour ? Or, si cette image a un côté venteux et donc terrestre, est-elle suffisante pour un Dieu réputé universel, s’occupant aussi de la matière des mondes et des espaces intersidéraux. Il est difficile de faire la part entre ce que suggère et concocte mon intellect et ce qui existe en réalité, car les deux modes de perception résultent d’un mode de pensée identique.

 

Et revient l’interrogation : est-ce Dieu qui crée la pensée ou bien la pensée qui crée Dieu ? Ce qui conduit à l’idée que l’inquisition aurait autrefois utilisée pour une condamnation au titre d’hérésie : Dieu a-t-il vraiment créé l’homme, ou est-ce le contraire ? Et pour être encore plus hérétique, puis-je abolir la notion de « Dieu » et ne garder que celle d’esprit-sauveguide – en d’autres termes, refuser la version religieuse du Saint-Esprit ? Un esprit-sauveguide sans attribut ni divin, ni humain, agissant de façon tellement discrète que même moi ni personne ne pourrons le connaître, pas plus que mes lointains ancêtres en terre des Alpes n’ont pu me figurer …

 

Bon, il faut prendre une décision, je suis à mi-chemin. Allez, pour l’instant, tant pis pour le cosmos ! De toutes mes réflexions, je retiens ce visage du Dieu « sauveguide », car l’esprit que je ressens agir en moi s’accommode bien de l’apparence d’un Dieu réel. Sa dynamique influencerait ma spiritualité, elle se manifesterait dans les espaces où se concentrent le vivant et la pensée. Prier fait du bien ! « Ô Dieu : source ultime de la vie, source de l’esprit rayonnant autour du pensant, source de l’amour qui diffuse la simple conscience individuelle en conscience collective ! Guide moi, sauve moi, je T’en supplie ! »

 

 


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