…RÉVÉLANT…
Étape 16 / Mardi 12 mai / De Malbouzon à Salgues / 31 km
Ô la vache ! Qu’elles étaient longues et lourdes, mes notes d’hier, inspirés par les jolies bêtes à cornes de l’Aubrac ! J’aurais bien voulu faire plus court. Or, cherchant à couper par les pâturages d’où ces bovins me regardaient passer, je me suis enfoncé ça et là, et trop en profondeur, dans quelques unes de ces fameuses tourbières dont on m’avait pourtant dit de me méfier. Aujourd’hui, je me résignerai, et je serai plus sage : je zigzaguerai par les étroits sentiers qui contournent leurs humides enclos, avec un moindre risque de m’empêtrer.
Et en effet, ma cadence se révèle plus rapide, et même si l’étape est un peu plus longue, je progresse plus alertement. Comme quoi l’on gagne à adhérer à toute bonne vérité révélée ! Ce qui me fait revenir à ma réflexion sur la Bible : puis-je y voir le livre absolu, incontournable, indisputable d’une divine révélation ?
L’Ancien Testament est manifestement l’œuvre de scribes indéniablement très doués. Certains étaient poètes, d’autres des mystiques de génie, d’autres des historiens. Ils inscrivaient en caractères hébraïques l’histoire, les croyances de leur peuple. Ils affirmaient que leur main avait été choisie par leur « Très Haut » pour révéler les 613 articles d’une « Loi » nécessaire au mieux vivre ensemble. Et certains savaient, après les faits, enrober la crédibilité de la révélation en attribuant à certains personnages des « prophéties », des annonces d’évènements qui se déroulèrent par la suite.
Or, à peu près au même moment, dans d’autres parties du monde, d’autres scribes tout aussi géniaux inscrivaient des préceptes du mieux vivre ensemble en langue chinoise. Et simplification notable, 500 ans avant notre ère chrétienne, Confucius résumait l’une des cinq vertus qu’il prônait, la bienveillance, en ces simples termes : « Aime TOUS les hommes ! ».
Chez les hébreux, il fallut attendre Jésus pour que la loi du talion « œil pour œil, dent pour dent ! » soit détrônée par le fameux « Aime ton prochain comme toi-même ! ». Puis alors, ce que l’on écrivit de tout ce qui fut révélé autour de l’homme Jésus, le Nouveau Testament, dut être fortement trié pour rendre compte et expliquer un phénomène difficilement acceptable : sa résurrection. La bataille n’est d’ailleurs pas toujours terminée dans le tri entre des écrits dits canoniques et ceux que l’on écarte, les apocryphes. Il ne se passe pas de décade sans qu’on annonce dans une langue ou une autre une meilleure « traduction » de la révélation !
Révélation qui continue, par ce que l’on vous demande de croire, à vous imposer des défis certains : « Notre Père » (sous entendu, Dieu le père, notre créateur), disait Toto après le catéchisme, « notre Père qui es aux cieux, si tu es notre père à tous, pourquoi as-tu un Fils unique ? » (Jésus Christ). Plein d’esprit après sa confirmation, Toto se demandera plus tard : « Comment peux-tu être un seul Dieu en trois personnes ». Au fil des ans, j’ai appris à apprécier ce que l’on peut répondre à Toto, mais c’est loin d’être évident !
Divine la révélation ? Véritable, sacrée la bible ? Pourquoi pas, si l’on veut bien adhérer à la thèse suivante :
- Une vérité parfaite ne peut provenir d’hommes, par nature imparfaits.
- Ne pouvant venir d’hommes, le message biblique n’a pu venir que de Dieu.
- Étant venu de Dieu, les hommes n’ont pu le connaître que par la révélation.
- Donc le message biblique, révélé, est nécessairement d’inspiration divine.
Mais ce raisonnement est circulaire, on ne peut l’utiliser impunément. Je préfère voir en cette révélation biblique, « source et finalité de la création », une invitation personnelle au bonheur. Ce message a souvent comblé de bonheur le monde médiéval. Hasard ou bénédiction ? Je suis né dans un coin du monde qui a ressenti ce bonheur et a cru devoir le propager à d’autres dans un grand élan civilisateur, proposant ainsi un sens à l’énigmatique intrusion de l’humain dans l’univers. Cet élan fut vite hélas dévié par certains et utilisé comme instrument de pouvoir ! Et ce n’est pas demain la veille que cela changera ! « Errare, humanum est » [L’erreur est humaine] …